BETE DE STYLE

de Pier Paolo Pasolini
Coproduction Compagnie Dérézo, Théâtre des Quartiers d'Ivry, Théâtre du Pays de Morlaix
avec l'aide à la création de l'ADAMI
La Compagnie Dérézo est conventionnée avec le Ministère de la Culture – DRAC Bretagne, la Région Bretagne, le Conseil Général du Finistère et la Ville de Brest
Traduction: Alberte Spinette (Editions Actes Sud Papiers)
Mise en scène: Charlie Windelschmidt
Assistant mise en scène: Fabien André
Dramaturgie: Valéry Warnotte
Plasticienne / scénographie: Céline Lyaudet
Lumière: David Garniel
Construction: Michel Mao, Simon Beillevaire
Avec Béatrice Roué, Farid Bouzenad, Laurent Fernandez, Nicolas Sarrasin, Valéry Warnotte
Répétitions à Brest (Brasserie Dérézo), puis en résidence de création au Théâtre du Pays de Morlaix
Représentations : - 15, 16 et 17 novembre 2006 à 20h – Théâtre du Pays de Morlaix (29)
- du 7 au 20 décembre 2006 à 20h – Théâtre des Quartiers d'Ivry (94)

Bête de style ou celui par qui le scandale arrive


Existe-t-il un théâtre militant qui soit encore du théâtre ?
Dans son poème dramatique, Pasolini tisse une série de paradoxes entre son parcours de jeune poète militant censuré, issu de la petite bourgeoisie, et le destin de Jan Palach, étudiant tchèque qui s’immola par le feu le 16 janvier 1969, quelques mois après l’intervention soviétique à Prague.
Le sens donné à cette action scandaleuse, c’est qu’il la transforme en un véritable acte poétique, car vouloir être poète, c’est avant tout sauter en bas du char, loin de la pertinence du STYLE. Et nous voici au cœur du sacrifice !


Qu’avons-nous à sacrifier afin de restaurer la place du poète dans notre cité ?

C’est cette question que nous renvoie le manifeste autobiographique de Pasolini, dont l’Histoire a déjà pu établir des résonances actuelles – que ce soit les images effrayantes de la Place Tien An Men (la porte de la paix céleste) à Pékin en 1989, ou celles, plus récentes, de l’incident stupide à Gênes en 2001 – derrière lesquelles une jeune génération cherche à réinventer un sens Tragique.
Nous ne pourrons pas non plus oublier l’abominable prophétie que s’attribue Pasolini lorsqu’il achève, par la bouche du CAPITAL, de statuer sur la dépouille du poète Jan, si on imagine qu’à peine un an plus tard, son corps sans vie sera retrouvé sur une plage d’Ostie, massacré par une société tout entière. S’agissait-il là d’un point final ?
Au-delà des considérations esthétiques et de l’action révolutionnaire, Pasolini a rêvé du Théâtre comme un lieu qui serait entièrement consacré à la Parole. On ne lui en a pas laissé le temps.
Que quelqu’un se lève pour nous parler !

Selon Pasolini, le poète est le seul capable,
libre, d’escalader les murs de la cité
au pied desquels se tiennent les citoyens :
« Que vois-tu ?
Dis-nous ce qu’il y a de l’autre côté
que nous ne verrons jamais ? »
Percevant l’immensité désertique devant lui,
le poète (l’artiste) prend la parole, crée...
Le jour où les citoyens n’iront plus interroger le poète,
ils penseront que le monde s’arrête aux murs de la cité.

Questions à Charlie Windelschmidt
Pourquoi monter un texte de Pier Paolo Pasolini ?
Après avoir découvert son œuvre cinématographique, je me suis intéressé à son écriture, à son théâtre. Et ça a été un choc ! Pasolini est un artiste visionnaire, qui porte un regard sur le monde à travers son œuvre, qui replace le politique au centre du geste artistique. C’est ce qui me passionne et c’est ce qui en fait une référence de l’art contemporain. Le choix de ce texte, Bête de Style, tient d’ailleurs au fait que c’est sa pièce la moins classique dans sa construction.
Comment passe-t-on du Kabarê Flottant [spectacle sur le canal de Nantes à Brest en juillet 2006] à Pasolini ?
On ne passe pas d’une chose à une autre, on continue la même chose ! Cette chose est poétique et politique. Les deux spectacles n'ont rien à voir d’un point de vue esthétique, sauf si on estime (c'est mon cas) que toute forme spectaculaire est politique. Le Kabarê Flottant par sa forme et Bête de Style par sa démarche d’écriture sont des œuvres qui se rejoignent politiquement. Politiquement il s'agit de la même démarche d’artistes qui cherchent à lutter contre l’indifférence. Dérézo c’est ça : on a décidé de prendre à bras le corps la responsabilité civique, politique de l’artiste. La question centrale de mon travail est de savoir quelle posture politique adopte l’artiste aujourd’hui dans la cité.
Pourquoi choisir alors un texte qui n’est pas à la portée de tout le monde ?
Le texte n’est pas à la portée de tous, a priori, mais notre travail sera de le rendre préhensible. C’est aussi par la forme proposée dans la mise en scène que le texte sera perçu par chacun.
Cela signifie que ce texte de Pasolini a besoin d’être révélé par la mise en scène ?
Je ne monte pas du théâtre pour que les spectateurs aillent acheter le livre. Le théâtre souffre déjà trop, à mon goût, du poids de la littérature, oubliant que c’est avant tout la parole qui est au centre de l’acte théâtral. Pasolini défendait ça, lui aussi : un théâtre de la parole. Je pense pour ma part que le théâtre n’est pas un écrin pour la parole, c’est le lieu du non-dit et des visions : tu prends la parole mais tu ne dis pas par les mots ce que tu veux qu’on entende, ni même ce qui est écrit. Il y a ce qui est écrit et ce qui est dit avec ce qui est écrit. Les spectateurs ont aussi un rôle à jouer, à rester actifs.
Quelle forme va prendre cette « activité » sur Bête de style ?
Ma mise en scène est centrée autour d'un groupe d’individus qui vont tenter d’être poète, de ressentir ses affres. Le personnage principal de Jan, ce jeune poète, est joué à tour de rôle par chacun des cinq acteurs, qui s’en moque, s’en émeut… Il n’y a plus de statut de personnage. Avec ce chœur, Pasolini rend hommage au peuple. Pour moi, ce groupe d'individus est au centre de l’œuvre. On partage l'insolence et l'insouciance du peuple, la pureté de son comportement païen…
Ce rapport direct entre les acteurs et le public peut déranger les artistes eux-mêmes ?
Aujourd’hui ce n’est plus le cas, car ils comprennent, les acteurs, ce que cela engage, ce que ça induit comme posture, comme rapport au public : une parole adressée directement au public, au citoyen qu’est chaque spectateur. Dans nos spectacles, l'artiste prend la parole aussi en son nom, il met en jeu son citoyen, ne démissionne pas de son regard sur le monde. Parce que le politique c'est le rapport entre le pouvoir et le peuple.
Les acteurs sont donc obligés de défendre la pièce ?
Ils n’ont souvent pas besoin qu’on les oblige ! Ce sont les premiers à défendre cet engagement, c’est presque contractuel : « si tu sais pas pourquoi tu es là, c'est pas moi qui le saurais » ; comme ils l’ont fait sur Check-up [texte d'Edward Bond créé en 2004]. A travers cette pièce de Pasolini, j’aimerais que les acteurs s’expriment sur ce que ça veut dire d’être artiste aujourd’hui.

Dérézo ?

collectif
La Compagnie Dérézo est née en 1996 de la rencontre de comédiens et techniciens issus pour la plupart de l'ENSATT (Ecole Nationale de la rue Blanche à Paris). La notion de collectif s'est peu à peu imposée, mêlant aventure humaine et aventure théâtrale, afin de mieux remettre en cause notre engagement d'artiste dans la cité, et d’offrir une permanence artistique.
Il aura fallu apprendre, autant sur les plateaux que dans les bureaux, à cerner puis à nommer ce point focal qui nous constituait. Cette singularité qui regardait le théâtre comme nous ne l’avions pas appris.
Au fil des rencontres, Dérézo est devenu un collectif d'artistes, sous la direction d'un metteur en scène, Charlie Windelschmidt ; paradoxe, où chacun doit se sentir responsable de la chimie mise en place lors de l'élaboration d'un spectacle. Pour cela, la posture du plasticien, des créateurs son, lumière, plateau, du metteur en scène, de l'acteur, de l’auteur est identique : toute proposition a la même valeur artistique dans l'acte de recherche théâtrale.Dans ses recherches, la compagnie propose des formes se déployant en salle comme en extérieur, en France comme à l'étranger.Autant de lieux, autant de gens, autant d’arts.
Se poser la question du « quoi jouer ? », celles du « où jouer quoi ? » et « pour qui ? », donc « comment ? ».
Rêveurs sur le fil de l’arrogance, c’est la rage qui anime notre obsessionnelle question : « comment être humain ? »

inattendu
Notre démarche s’appuie sur la question :
quelle place pour le texte / la parole / l’oralité, dans le théâtre aujourd’hui ? Tentative de détournement du principe classique fondé sur l’étude du texte : frottements du langage parlé avec tous les autres matériaux du plateau.
Certains que la parole entretient un rapport privilégié avec les autres systèmes signifiants de la scène, nous tapons sans relâche dans l’inattendu du théâtre. La question des formes et des textes n’est jamais résolue.
Le langage parlé reste au centre, mais le mot est un matériau du plateau comme le sont les acteurs, leur corps, le son, la lumière, la vidéo… La langue est plus que le texte, l’écrivain plus que l’auteur, l’œuvre plus que la pièce.
Comment étayer la bonne tension entre visuel et textuel, entre ce qui est donné (forme) et ce qui est produit (sens) ?
Pour cela, et pour faire que l’auteur ne soit plus le grand absent de la création du spectacle, nous engageons des fidélités, des débats avec des auteurs vivants.

implantation
Après trois années de collaboration et d'échange avec le public et les acteurs culturels de la région, le collectif Dérézo s'est installé de façon permanente à Brest en mai 2000.
La Bretagne est un terrain éclectique offrant du Nord au Sud des équations théâtrales à résoudre dont les inconnues imposent une sensibilité autre que celle du commerce, de l’efficacité ou de la gloire.
L'implantation à Brest induit un véritable travail de terrain auprès des établissements scolaires, des publics ruraux, tout en accédant à une envergure nationale et internationale, par des créations et tournées sur les scènes ou dans les festivals de renommée ou nombre d’événements théâtraux.
Du communal à l'international, la logique du partir pour mieux revenir saura toujours se mettre
en vibrations avec notre « pourquoi suis-je ici » ?


résistance
Ne jamais effacer, mais élaborer et cultiver un langage commun dans le temps et dans l’espace.
Construire, faire fond.
Impulser des humanités convergentes vers une singularité en art.
Constituer une force de travail et d’écoute devant mener aux rencontres, aux échanges.
S’engager dans un geste citoyen, de quartier, de ville, de région, de nation…
Détruire les enclaves spectaculaires de certains esprits, des principes du pré-penser.
Créer un débat quotidien, une vigilance de groupe repoussant les clichés communautaires en affirmant les talents, les compétences, les pertinences.
Se positionner à l’endroit de ce qui vit.
Accepter cette impermanence de l’art viscéralement en phase avec les époques. Entretenir un creuset fraternel et durable au service d’une utopie en résistance aux lois marchandes.
Il n’est pas Théâtre, celui qui n’est pas en résistance. S’il n’y a plus à résister (comme il y aurait à ronger un os) alors il n’y a plus de théâtre possible. Une résistance posée comme une arme, une guerre menée à la sclérose théâtrale, à la résignation, aux consensus artistiques et à la culture comme industrie.

spectacles
Depuis neuf ans, la Compagnie Dérézo a créé 17 spectacles :
Kabarê Flottant (2006)
« Les comédiens brestois réinventent un théâtre populaire, forain et poétique, jamais triste, souvent drôle et parfois politique. » Dimanche Ouest-France, 23/07/06
Paper Men (2006)
« Une fresque étonnante mettant en scène des samouraïs japonais new age parlant un dialecte inconnu en agitant de longues tiges de bois habillées de toiles de papier. Voyage aux limites de l'imaginaire. » Le Télégramme, 11/08/06
Grand-Mère Quéquette (2006)
« La magie et le talent de cinq metteurs en scène bretons au service de l'écriture incomparable de Christian Prigent  »
Ouest-France, 01/04/06
1905-2005, Riez pour nous,pauvres pêcheurs (2005)
« Une fresque historique intéressante et singulière, loin de la grandiloquence à la Robert Hossein – Dieu merci – et plus proche du folklore déjanté. » Ouest-France, 15/10/05
Phèdre (2004)
« Déroutant, envoûtant, quelque fois choquant, Phèdre version Dérézo a enchanté l’assistance. Sous la mise en scène de la compagnie brestoise, la tragédie de Sénèque a livré toute sa force et toute sa violence. » Le Télégramme, 28/09/04
Check-up (2004)
« Le spectacle ici dévoilé ne donne ni leçon, ni morale, ni conclusion. C’est un spectacle à débattre. L’heure de scène peut être jugée trop éphémère, mais renforce l’onde de choc qu’elle diffuse et incite à réfléchir. » Ouest-France, 28/01/04
MasK (2002 )
« Toujours enchanteur, l'univers de la Compagnie Dérézo a conquis petits et grands et réchauffé les cœurs en cet après-midi d'hiver. » Ouest-France, 21/12/02 Idoscope (2002)
« Un moment suspendu où les Paper Men vous emportent au temps du petit théâtre, celui de nos enfances (…) Pas besoin de grands effets pour éblouir. » L'Alsace, 15/09/02
L'ange de la mort (2002)
« Théâtre d'acteur, théâtre de comportement. Théâtre pictural d'une grande beauté. Au terme d'un voyage court et intense, on est imprégné de mots, de lumières et d'ombres, pour goûter enfin au silence nécessaire. » L'Alsace, 31/05/02
Lùbia (2001)
« Un monstre de papier aux tentacules gigantesques qui venaient frôler le visiteur. Etonnant théâtre de rue, ô combien applaudi par un public revenu de sa surprise... » Le Télégramme, 27/12/02
1901-2001, Association d’idées (2001)
« Un texte dense mais truffé du burlesque de l'interprétation et d'une gestuelle éclatante » Le Télégramme, 26/04/01
Débordements II, Là d'où je vais (2001)
« Ne pas vouloir comprendre à tout prix. Seulement partager l’instant. Se laisser pénétrer par l’énergie insensée des comédiens (…) Puis s’en aller heureux, plein d’interrogations. » Ouest France, 29/09/01
K.K (2000)
« Les spectateurs ont été transportés dans un étrange univers céleste » Le Télégramme, 02/08/00
Débordements I, Tombeau chinois (1999)
« Une pièce acidulée qui tient le spectateur en haleine au sein d'un théâtre moderne et inconnu. Surprenant et attirant. » Le Télégramme, 04/08/99
La boîte à visages (1998)
« Magie des masques, mystère des personnalités : petits et grands ont été ravis » Ouest France, 14/08/98
Dérézorchestre (1997)
« Une parade pleine de rires et de chansons, d'impromptus et de farces au hasard des rues » Le Télégramme, 23/07/98
Kabarê Dérézo (1997)
« Un cabaret déjanté qui bouleverse la notion de théâtre » Le Télégramme, 12/10/98